Appel à communications

Pour son 14e colloque, le groupe de travail n°23 « Mobilités spatiales, fluidité sociale » de l’Association Internationale des Sociologues de Langue Française (AISLF) propose de mener une réflexion collective autour d’une notion qui est au fondement même de la définition de la mobilité : le changement. Le changement, défini ici comme « état de ce qui évolue, se modifie », dans le domaine de la mobilité sera abordé sous deux angles : il s’agira, d’une part, d’identifier et de comprendre la nature des changements intervenus récemment dans les pratiques de mobilité spatiale des individus et, d’autre part, de voir dans quelle mesure ceux-ci apparaissent porteurs ou non de changements sociaux et territoriaux.

Au cours des dernières années, d’importants changements ont pu être observés dans les pratiques de déplacement des individus dans l’espace quelles que soient les échelles spatiales et temporelles retenues. Concernant les mobilités quotidiennes, des changements majeurs sont apparus dans les modes de transport utilisés : un recul de l’usage de l’automobile a été constaté pour la première fois dans la plupart des pays de l’OCDE, ainsi qu’un développement des « altermobilités » (Marzloff, 2005 ; Vincent, 2008), avec un renouveau de la marche et du vélo, une augmentation de l’usage des transports collectifs, un développement de l’autopartage et du covoiturage. Parallèlement, les dynamiques de croissance des mobilités semblent désormais davantage portées par les voyages que par les mobilités quotidiennes : les déplacements à longue distance augmentent que ce soit pour des motifs liés au travail (déplacements professionnels…) ou aux loisirs et au tourisme (week-ends, vacances…), alors que les déplacements locaux tendent à stagner (Armoogum et al., 2010). Si la progression de la mobilité résidentielle semble toujours liée aux changements intra-métropolitains (changement de logement ou de commune) (Donzeau & Pan Ké Shon, 2009), les causes de ces changements restent difficiles à démêler (évolution du marché du logement et des choix résidentiels, transformations de la famille, modification des contraintes socio-économiques…) (Authier et al., 2010), ceux-ci apparaissent socialement marqués et donnent à voir des différences générationnelles (Laferrère, 2007). Concernant les migrations, des changements apparaissent également avec la mise en évidence du caractère circulatoire des flux internationaux et leurs interactions croissantes avec les mobilités résidentielles intra-métropolitaines et les déplacements quotidiens (Dureau et al., 2015). Enfin, d’autres formes de mobilité spatiale tendent à se développer, bouleversant les catégories traditionnelles d’analyse, comme la pendularité de longue distance ou la multirésidence familiale, professionnelle et/ou de loisir (Ortar, 2011, 2015 ; Stock, 2006 ; Vincent-Geslin & Kaufmann, 2012).

Ce tableau des changements intervenus dans les pratiques de mobilité spatiale des individus est loin d’être exhaustif, d’autres changements sont en cours, voire à peine émergents. Il montre cependant que, face aux interdépendances croissantes entre les différentes formes de déplacement des individus dans l’espace, une approche globale des mobilités spatiales apparaît de plus en plus nécessaire (Courgeau, 1988 ; Dureau & Lévy, 2002 ; Imbert et al., 2014) pour pouvoir appréhender la nature, tant sociale, que politique (Boudreau, 2011), économique et culturelle de ces changements, tout comme leurs conséquences sociales et spatiales. Dans quelle mesure les évolutions des pratiques de déplacement des individus dans l’espace sont-elles porteuses de changements sociaux et territoriaux ? Le franchissement de l’espace est-il aujourd’hui synonyme de changement de rôle, de position sociale, de rencontre avec l’altérité ? Ces changements constituent-ils un facteur de reproduction voire d’accentuation des inégalités sociales ? Sont-ils symptomatiques d’un changement générationnel ? Que nous apprennent-ils sur les dynamiques territoriales ? Dessinent-ils de nouveaux territoires ? Participent-ils à des processus de différenciation spatiale ?

Trois axes de réflexion sont proposés :

1. Description, explication et compréhension des changements intervenus dans les mobilités spatiales

Ce premier axe de réflexion vise à décrire les changements à l’œuvre dans les pratiques de déplacement des individus dans l’espace, mais également à comprendre et expliquer ces changements. Les travaux attendus peuvent porter sur les différentes formes de mobilité spatiale, quelles que soient les échelles spatiales et temporelles retenues (mobilité quotidienne, voyage, mobilité résidentielle, migration…) et les générations observées. Le contexte individuel et familial, les évolutions socio-démographiques, la conjoncture économique, l’influence des politiques publiques représentent autant d’entrées possibles des travaux attendus.

2.      L’évolution des mobilités spatiales, un producteur de changements sociaux ?

Ce deuxième axe de réflexion vise à adresser le sens des changements observés afin de réfléchir tant aux rapports qui peuvent être établis entre les transformations sociales et les changements observés dans les pratiques de déplacement des individus qu’aux effets sociaux des changements observés dans les pratiques. Comment est-il possible de saisir les liens entre la « société » et la « mobilité » et quelles sont leurs influences réciproques ?

3.      L’évolution des mobilités spatiales, un producteur de changements spatiaux ?

Ce troisième axe de réflexion porte sur l’analyse du changement spatial. Que nous apprennent les changements intervenus dans les mobilités spatiales (mobilités quotidiennes, mobilités résidentielles, mobilités touristiques, migrations…) sur les dynamiques territoriales (retour de la croissance dans les centres villes et les banlieues, évolution des formes de la périurbanisation…) ? Les changements observés dans les mobilités spatiales renouvellent-ils les processus de différenciation socio-spatiaux (ségrégation, gentrification, vulnérabilité…) ? Dans quelle mesure les contraintes croissantes sur la mobilité (énergétiques, économiques, financières) peuvent-elles être à l’origine de nouveaux usages de l’espace, de nouvelles configurations territoriales ?

Pour avancer dans la compréhension des changements liés aux mobilités, des chercheurs venant de différents horizons disciplinaires (sociologues, aménageurs, anthropologues, démographes, géographes…) sont invités à venir présenter leurs travaux dans le cadre de ce colloque, que ceux-ci soient à peine démarrés, en cours ou achevés, qu’ils soient basés sur des enquêtes statistiques ou des enquêtes de terrain. Les contributions de doctorants ou de jeunes chercheurs sont particulièrement encouragées.

 

Références bibliographiques

Armoogum J., Hubert J.-P., Roux S., Le Jeannic T., 2010, « Plus de voyages, plus de kilomètres quotidiens : une tendance à l’homogénéisation des comportements de mobilité des Français, sauf entre ville et campagne », La Revue du CGDD, pp. 5-24

Authier J.-Y., Bonvalet C., Lévy J.-P., 2010, Élire domicile. La construction sociale des choix résidentiels, Lyon : PUL, 428 p.

Boudreau, J.-A., 2011, « Droit à la mobilité, droit à la citoyenneté ? Pratiques de mobilité et action politique” in V. Kaufmann et al. (eds.), Mobile / Immobile Quels choix, quels droits pour 2030 ?, Paris : Editions de l’Aube, pp. 21-31.

Courgeau D., 1988, Méthodes de mesure de la mobilité spatiale. Migration interne, mobilité temporaire, navettes, Paris : INED, 301 p.

Donzeau N., Pan Ké Shon J.-L., 2009, « La mobilité résidentielle depuis la fin des Trente Glorieuses », Documents de travail de l’INED, n°159, 43 p.

Dureau F., Lulle T., Souchaud S., Contreras Y., 2015, Mobilités et changement urbain, Rennes : Presses Universitaires de Rennes, 429 p.

Imbert C., Dubucs H., Dureau F., Giroud M., 2014, D’une métropole à l’autre. Pratiques urbaines et circulations dans l’espace européen, Paris : Armand Colin Recherches, 496 p.

Laferrère A., 2007, « Les séniors de moins en moins mobiles, les jeunes toujours plus mobiles : l’évolution de la mobilité résidentielle est-elle paradoxale ? », Economie publique, n°20, vol. 1, pp. 1-51

Lévy J.-P., Dureau F. (dir.), 2002, L’accès à la ville. Les mobilités spatiales en question, Paris : L’Harmattan, 411 p.

Marzloff B., 2005, Mobilités, trajectoires fluides, Nantes : L’Aube, 240 p.

Ortar N., 2015, La vie en deux : familles françaises et britanniques à l’épreuve de la mobilité géographique professionnelle, Paris : Editions Pétra.

Ortar N., 2011, « Une ancre pour être mobile : parcours de résidents secondaires et permanents dans l’Ain et le haut pays des Alpes-Maritimes », in M. Berger, L. Rougé, Etre logé, se loger, habiter. Regards de jeunes chercheurs, Paris : L’Harmattan, pp. 245-256.

Stock M., 2006, « L’hypothèse de l’habiter poly-topique : pratiquer les lieux géographiques dans les sociétés à individus mobiles », EspacesTemps.net, Textuel, 26.02.2006.

http://espacestemps.net/document1853.html.

Vincent S., 2008, Les « altermobilités » : analyse sociologique d’usages de déplacements alternatifs à la voiture individuelle. Des pratiques en émergence ?, Thèse de doctorat en sociologie, Paris : Université René Descartes, 418 p.

Vincent-Geslin S., Kaufmann V. (dir.), 2012, Mobilité sans racines. Plus loin, plus vite… Plus mobiles ?, Paris : Descartes & Cie, 142 p.

Personnes connectées : 1